ACCOMPAGNER LA MUTATION EN FRANCE

Après le classique clivage gauche / droite, l'élection d'Emmanuel Macron en 2017 a révélé un nouveau clivage : social libéralisme de LREM  / souverainistes. En fait, ceci a actualisé  un clivage déjà opérationnel depuis longtemps à l'échelle des institutions européennes du fait de l'alliance gauche droite au sein du Parlement Européen. La disparition du clivage gauche-droite laisse place ainsi à l'extrême centre dont s'est réclamé Emmanuel Macron lui-même dans un entretien à France Culture le 18 avril 2022.  Cet extrême centre est un extrémisme, il correspond à la politique menée par une oligarchie qui tente d'accaparer le pouvoir pour mener une politique économiste extrémiste basée sur une pensée unique (l'hyperlibéralisme) qui rejette toute alternative à la loi du marché. Comme le souligne Pierre Serna, cet extrême centre représente un vrai danger pour la démocratie, cette dernière étant remplacée par une simple gouvernance avec une gestion par des règles, comme c'est le cas pour le fonctionnement de l'Union Européenne. Les résultats du premier tour de la présidentielle de 2022 ne font que confirmer l'installation de cette polarisation de la vie politique en oeuvre depuis Maastricht, avec, outre une abstention majoritaire, d'un côté l'extrême centre, de l'autre côté l'extrême gauche et l'extrême droite, l'extrême centre étant une forme d'extrémisme qui nourrit les deux autres.

Une reddition de comptes est donc nécessaire pour faire le bilan des politiques menées depuis l'Acte Unique  en toute continuité et sans alternances (du  fait d'une majorité sociale-libérale à l'échelle de l'Europe). Quelles sont les conséquences socio-économiques (en terme de désindustrialisation, délocalisations, perte de la  souveraineté monétaire, endettement public, chômage, précarisation...) des politiques menées par Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron ?

L'évolution suivante peut être rétrograde, avec un retour au clivage gauche / droite de l'ancien monde ou bien persistance du clivage social libéralisme / souverainistes (avec un durcissement du néolibéralisme et une montée de l'extrême droite).

On peut assister à une fuite en avant (la pensée unique s'accompagnant d'une pensée médicale unique avec la crise de la Covid 19) dans un monde consumériste totalement déshumanisé, sans contact, basé sur la méfiance et la crainte de l'autre, voire une monde contrôlé par une super technocratie par l'effet combiné de la globalisation économique, de la gouvernance européenne, des grandes puissances industrielles et financières, de l'industrie chimique, de l'industrie de la maladie organisée par les grands groupes pharmaceutiques, du contrôle des médias, du développement de l'intelligence artificielle, de l'ingénierie génétique et des manipulations biotechnologiques, de l'adaptation des vérités scientifiques en fonction des perspectives de rentabilité financière, ce à des fins de contrôle des individus par un dressage et une surveillance des populations au moyen de mesures coercitives, ce que Michel Foucault appelle la biopolitique, ou d'autres (Roberto Esposito) la thanatopolitique. Un peu à l'image du modèle chinois : liberté économique, contrôle social, régression démocratique. Un déclin civilisationnel dont certains prémices sont peut-être la baisse de l'espérance de vie et du QI. 

L'évolution peut être explosive du fait de la rupture majeure entre le peuple et les élites. Une gouvernance systématique par la peur (pandémie, guerre en Ukraine...) peut alors être un moyen de contraindre les populations pour maintenir un système économique à l'agonie et une pseudo démocratie qui ressemble en fait à un mélange de théâtrocratie et de ploutocratie. Un délitement démocratique au profit d'une gouvernance par des normes, une perte de la notion d'éthique, la disparition d'un Etat protecteur, laissant ainsi libre champ à l'emprise et à une volonté de pouvoir et de domination d'une minorité.

On peut assister à une montée en puissance de l'écologie, difficile à situer du fait de la fragmentation de la sphère écologique. Si l'on reste dans l'ancien monde, ce serait par exemple une alliance de l'écologie et du socialisme, ou pourquoi pas l'utilisation d'arguments écologiques pour justifier une biopolitique teintée d'écologie. 

Mais il peut apparaître une nouvelle évolution : un mouvement en phase avec  la troisième mutation, avec comme fondement la conjonction des opposés, en écho aux quatre structures familiales qui composent la France, et au processus d'individuation décrit par Jung. En référence aux travaux de Felix Guattari ( « Les trois écologies » ), on pourrait définir une écologie qui prendrait en compte différents systèmes interdépendants :

- l'échelle individuelle, l'écologie de l'esprit, comment chacun peut prendre en charge sa propre santé physique et psychique, avoir un comportement responsable envers l'environnement (en vertu d'une non séparabilité entre l'écologie extérieure et intérieure), prendre en compte l'ensemble de ses besoins, trouver enfin un équilibre entre l'orientation du désir vers l'extérieur (la publicité a cette fonction d'orienter le désir vers le matériel), et l'intérieur (l'individuation, les besoins existentiels, le développement des qualités de l'esprit comme par exemple les six vertus décrites en psychologie positive)

- l'interaction entre les différents systèmes familiaux,  en Europe, et en particulier en France, qui ramène à la dialectique des opposés

- le social, qui concerne le rapport à l'autre, depuis le proche jusqu'à la conscience de notre interdépendance et le lien entre l'ensemble de l'humanité. La mondialisation est avant tout la prise de conscience de notre appartenance commune à la planète Terre et de la solidarité des peuples, pour aboutir à une humanisation de nos sociétés. Cela implique la création d'une société civile mondiale.

- le politique, qui concerne une nouvelle forme d'organisation démocratique en écho à l'actuelle période de mutation et le principe de la conjonction des opposés (pour une humanisation de nos sociétés), la double-démocratie pouvant en représenter un modèle

- la préservation de l'environnement, ce qui passe par le développement d'une alimentation saine et des activités non polluantes dans une économie décarbonée (en particulier transports, énergie, rénovation thermique des bâtiments..), une décroissance des activités polluantes, la remise en question de notre système économique, et par la prévention des conflits et des guerres.

Comment pourrait être porté une telle évolution vers un développement vertueux ? La question de la pertinence des partis politiques se pose avec acuité dans ces temps où se creuse un fossé entre le peuple et les « élites politiques ». Penser le nouveau à partir de structures périmées et verticales n'est pas pertinent. Tout comme la quête de l'homme providentiel est illusoire. On pourrait donc imaginer que cela passe par l'émergence d'un mouvement citoyen organisé sur un mode décentralisé, fédéré à partir de réunions locales à l'échelle de chaque département (une sorte de grand débat mais totalement organisé et contrôlé par les citoyens eux-mêmes). Cette approche psycho socio politique porte en elle le germe d'une humanisation des sociétés (à l'inverse de la biopolitique qui conduit à l'asservissement des individus).
   

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