L'AGENCE EUROPEENNE DU MEDICAMENT

L'Agence européenne des médicaments (EMA) a été créée en 1995. De 1995 à 2004, elle a porté le nom d'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (EMEA). L’EMEA était financée à la fois par la Commission européenne et par les compagnies pharmaceutiques et elle était liée à la Direction Générale Entreprises et industrie de la Commission européenne. Depuis 2010, elle est reliée à la Direction Santé et Consommateurs. Mais cela n'a pas empêché l'augmentation du lobbying des laboratoires pharmaceutiques auprès des institutions européennes. Qui plus est, en 2014, le président de la Commission européenne a souhaité, en vain, rattacher à nouveau l’EMA à la DG Entreprise...

Le rôle officiel de l'EMA est de garantir l’évaluation scientifique, le contrôle et le suivi de la sécurité des médicaments à usage humain et vétérinaire dans l’Union européenne. Mais en fait, elle n'a qu'un pouvoir d'expertise en fournissant des conseils et des avis car c'est une entité juridique distincte des institutions de l'Union européenne. Elle a pu de ce fait être considérée sur le plan juridique comme un «  objet juridique non identifié ». Curieusement, la politique du médicament est donc confiée à une agence qui juridiquement n'appartient pas à l'Union Européenne alors que cette dernière n'a pas à intervenir, selon les traités européens, dans les politiques de santé qui relèvent exclusivement des Etats membres. Mais par ailleurs, la Commission européenne s'appuie sur les avis de l'EMA pour prendre des décisions en matière de politique de santé. En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est un établissement public placé sous la tutelle du ministère chargé de la Santé. Son rôle est d’évaluer les bénéfices et les risques liés à l’utilisation des produits de santé. Cependant, les travaux de l'ANSM sont menés en coordination avec l’EMA et la Commission européenne. Concernant l'Europe, les objectifs sont différents car la loi européenne comprend une tension entre la santé publique et les intérêts de l'industrie : l'objectif de sauvegarde de la santé publique ne doit pas freiner le développement de l'industrie pharmaceutique (page 36). On remarquera aussi que la directrice générale de l'EMA nommée en 2020 a travaillé dans le secteur pharmaceutique irlandais ainsi que pour la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques avant de travailler à l'EMA à partir de 2002. 

L’EMA est particulièrement attentive aux intérêts industriels. Ainsi, dans l'affaire des contraceptifs, en 2012, l'agence européenne du médicament s'est prononcé pour le maintien sur le marché des pilules de troisième et quatrième génération alors qu'en France,  l'agence nationale de sécurité du médicament incitait à ne pas les prescrire suite à des décès (page 12). 

La politique de l'EMA est opaque :

La méthodologie de l'EMA est douteuse. En 2010, l'agence européenne du médicament avait proposé de rendre exceptionnels les cas où les firmes devraient comparer leurs médicaments à des médicaments de référence déjà existants, et de considérer les comparaisons contre placebo comme une norme acceptable. Ainsi, selon la revue Prescrire, « non seulement l’EMA s’écarte des standards scientifiques qui privilégient les essais contre médicament de référence et non ceux contre placebo, mais elle est aussi en contradiction avec la Déclaration d’Helsinki de l’Association médicale mondiale, texte éthique de référence en matière d'essais cliniques ».

L'EMA fait donc preuve de manque de transparence, et est imprégnée de conflits d'intérêt.  En 2019, 85,70 % de ses recettes provenaient de redevances payées par l’industrie pharmaceutique.

Le rôle ambigu de la Commission européenne

La Commission européenne cherche à faire accepter son intervention dans la politique du médicament tant vis-à-vis des États membres que des opinions publiques. C’est la Commission européenne qui choisit ses interlocuteurs, décide des usages qu’elle fait des consultations et privilégie l'intérêt des firmes pharmaceutiques. La Commission européenne négocie en toute opacité les accords commerciaux avec l'industrie pharmaceutique, opacité encore dénoncée par des eurodéputés en 2020.  

Au niveau de l’Union européenne, c'est la Commission européenne qui prend la décision d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) d'un médicament après avis de l'EMA (en France, c'est l'ANSM qui décide d'une AMM). On sait que la Commission européenne avait passé un contrat en octobre 2020 pour l'achat d'un médicament toxique et inefficace contre la Covid 19, le Remdesivir.

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