Si pour Freud l’interdit de l’inceste représente une castration symbolique d’avec la mère, permettant la différenciation de la culture par rapport à la nature, pour Jung, il s’agit de se détourner de la mère concrète pour aller vers l'inconscient collectif et l'archétype de la Mère (endogamie symbolique, inceste symbolique), le Maternel d’avant la mère (le Nom de la Mère), et séparer les deux niveaux de la mère. Et c’est par la différenciation de la mère et de l’archétype de la mère que se créer l’espace de l’imaginal (monde de l’âme individuelle), pont entre la conscience ordinaire et l’inconscient collectif.
Le retour à la mère, c'est-à-dire sur un plan symbolique, à
l'inconscient collectif, active les patterns organisateurs de
l'inconscient, les archétypes. Ces derniers véhiculent les traces de
l'existence ancestrale (expériences collectives et mythes fondateurs de
l'humanité) mais sont aussi des principes organisateurs de la psyché et
du monde, le fondement du psychisme qui permet à l'inconscient
personnel d'exister. L'archétype est une forme vide qui permet la
manifestation et l'organisation de l'inconscient. Les archétypes (Puer,
Senex, Animus, Anima, Persona, Ombre, Soi...) possèdent une capacité
d'organisation de la psyché. Ils rappellent les Idées métaphysiques de
Platon et peuvent se manifester dans le monde sensible sous toutes
formes de représentations, d'images archétypiques selon la culture dont
est issu l'individu. Les Idées platoniciennes sont un principe de
formation qui permet aux choses d’exister, de l’ordre de l’universel et
de l’intemporel. Les archétypes sont hors du temps, ils représentent le
fondement de la psyché qu’ils organisent comme ils structurent
l’univers. Les images archétypiques ne sont qu'une mise en forme, une
projection de l'archétype qui, en lui-même, est vide. L’archétype est
une forme du vide qui peut se manifester sous la forme d’une image
archétypique (holomouvement).
Pour Jung, le moi est un complexe formé d’un certain nombre de
tendances variables au cours du temps. L’enfant a pour tache de
construire cette instance afin d’asseoir les bases de sa personnalité.
Avec l’individuation, l’individu doit en réaliser le caractère
imaginaire. Notre moi existe, et en même temps, n’existe pas. Le
moi renonce à la toute puissance pour se mettre à l'écoute d'une
puissance supérieure, d'un guide inconscient, le SOI, l'organisateur de
l'inconscient qui accompagne le processus de différenciation d'un chaos
et d'une identité archaïque à un certain ordre selon des modalités
archétypiques (la rencontre avec l'ombre, la naissance de l'anima ou de
l'animus, le SOI). Le processus d'individuation permet la réalisation
d'une personnalité plus authentique. Il faut construire sa persona puis
y renoncer. Le moi existe dans notre réalité ordinaire, mais
n’existe pas au niveau de l’absolu. De la même façon que la physique
classique décrit le monde tandis que la physique quantique pose le vide
comme réalité première.
A partir d'environ 35 ans selon Jung, cette différenciation se
poursuit et s'exprime pleinement par l'individuation des doubles et des
complémentaires. Le double est le principe du même sexe que le sujet,
le complémentaire est le principe de sexe opposé au sujet (l'anima pour
l'homme, l'animus pour la femme). Le double comme le complémentaire
possèdent chacun un versant positif (célestiel), assimilé au MOI, et un
versant négatif (infernal) projeté sur l'autre. Par exemple, l'image du
principe féminin a tantôt l'aspect de la déesse mère nourricière et
protectrice, tantôt celui de la mère dévorante. L'image du principe
masculin peut prendre l'aspect du héros solaire (le cow-boy); il peut
également représenter le souffle vivifiant de l'esprit. Nous obtenons
alors le schéma de Pierre Solié (La Femme Essentielle, Seghers, Paris,
1988) représentant les quatre pôles de l'inconscient, la structure
quaternaire de la psyché :
Double Idéal |
Double Infernal |
||
sujet |
IMAGINAIRE |
SYMBOLIQUE |
autre |
Complémentaire Idéal |
Complémentaire Infernal |
Afin de faire apparaître le cinquième pôle (le cinq représente
l'unité du quatre, l'unité des opposés différenciés), le
centre coordinateur entre les différents pôles, l'archétype
Mercure, au coeur du processus d'individuation, nous pouvons réécrire
ce schéma avec la double opposition Puer - Senex / principe masculin - féminin :
Masculin
Puer
Mercure
Senex
Féminin
Le Senex représente ce qui fait obstacle au renouvellement de la
conscience attachée à ses vieilles valeurs et à son conditionnement. Il
représente l'inertie et la résistance au changement. C'est le côté
obscur de la conscience, le sorcier qui cherche à s'emparer du MOI pour
bloquer le développement de l'âme (de l'anima) afin de devenir une
personnalité « mana », l'archétype du chef, du souverain qui
exerce son pouvoir par la force et la violence. C'est le double
négatif, le double infernal, « l'enfer reptilien » réceptacle
de la haine, projetée sur l'autre. Le Senex est en relation avec
Saturne, Chronos, le maître du temps. L'individu sous l'emprise du
Senex vit dans l'insatisfaction actuelle, est inhibé par le passé ou
vit dans l'insatisfaction.
Par le sacrifice de la volonté de puissance, l'intégration de
l'ombre (processus d’endogamie symbolique), le Senex se transforme
alors en l'archétype du vieux sage, pôle intégrateur de la sagesse et
de la justice. Il incarne donc la sagesse et la juste mesure. Dans son
aspect positif, transmuté, le Senex structure l'individu (l'archétype
du vieux sage). Le Senex représente le côté structuré de la
personnalité capable d'intégrer et de mettre en forme la créativité du
puer. La prise de conscience de l'ombre a pour corollaire le
dégonflement de l'image mythique du puer, et un plus juste relation
entre le puer et le Senex, de même qu'une plus grande tolérance dans la
vie, l'intégration dans le concret et la réalisation de la créativité.
On aime l’autre pour ses qualités, on l’aime aussi pour ses défauts et
des faiblesses : c’est le renoncement à l’âge de l’idéal pour passer à
l’âge de la miséricorde.
Le Puer, en opposition au Senex, représente la tendance au
renouvellement de la conscience, à l'expression de nouvelles
potentialités inhibées par le Senex, au renouveau ou à la révolte avec
son impétuosité et son exaltation, voire son côté anarchisant.
C'est le Puer qui, par ses velléités d'indépendance, bouleverse les
valeurs contraignantes du passé.
Mais le Puer est aussi le double idéal, célestiel, l'enfant divin,
« le ciel néo-cortical ». Le Puer apparaît dans les mythes
comme un être immortel, l'enfant divin. Il meurt jeune et se confronte
souvent avec la mort pour tester son immortalité. Il se sent des
potentialités illimitées, reste un enfant, un éternel adolescent plein
d'enthousiasme, le fils amant de la grande déesse mère. Il
possède un aspect créatif mais manque d’endurance. Immature, côté
puéril, absence de sentiment (pas d'investissement amoureux et relation
difficile avec une femme). Il fuit la vie concrète pour se perdre dans
un monde fantasmatique dénué de structure et détaché de la
réalité. Pour le Senex, le Puer est un anarchiste. Pour le Puer,
le Senex est un tyran ou un conservateur.
Le côté positif du Puer se manifeste par la créativité, l'adaptation
au changement, dans la vie, et dans la confrontation permanente de
l'individu avec son inconscient permettant l'intégration de l'énergie
psychique. Mais pour cela, le Puer doit se confronter au Senex,
accepter les contraintes de la vie et sa condition mortelle.
C'est généralement dans la seconde partie de la vie, dans la phase
dépressive, par le sacrifice (la mort à l'homme ancien pour renaître à
l'homme nouveau, la métamorphose intérieure, la mue imaginale du
papillon), par la confrontation avec l'ombre et la prise en compte pour
soi-même de l'ombre (et non sa projection sur l'autre) que le sujet
opère la transmutation de l'ombre.
Le Mercure est au centre de ce processus d'individuation. Dans la
mythologie, Mercure est le messager des dieux. C'est le psychopompe, le
seul dieu à pouvoir revenir des enfers : il reste éveillé au royaume
des ombres et peut explorer les profondeurs de la psyché. Il a un
caractère malicieux : c'est le fou divin. Mais il a aussi un caractère
dangereux : c'est le fou en haillons, laissant présager le risque de
désintégration de la conscience dans une psychose. Mercure est le
dieu du commerce, et aussi le dieu des menteurs et des voleurs, le
larron. Dans son aspect primitif, indifférencié (la Prima Materia),
c'est le serpent, le dragon, la syzygie primitive, « l'ouroboros »,
l'état de non différenciation des opposés. Dans son aspect différencié,
c'est l'Androgyne, l'union du masculin et du féminin, représenté dans
les textes alchimiques par le mariage sacré entre le Roi et la Reine,
le Hieros Gamos, ou également dans le Bouddhisme tibétain, par la
réunion du soleil (part masculine du psychisme) et de la lune (part
féminine du psychisme), ou encore des Bouddhas et de leur contrepartie
féminine. Mercure est aussi l'union du Puer et du Senex, du vieux roi
et de son fils. Il permet la réunification des opposés dans le SOI
final, pleinement différencié et réalisé. Il siège aux carrefours : il
est l'élément médiateur et coordinateur entre les partis opposés. Ce
processus d'individuation est un processus qui se réalise en
conscience. Dans son état indifférencié où Mercure conduit à la
folie, la conscience subit un processus d'éclatement (la psychose) avec
des mécanismes de défense archaïques tels le clivage ou le déni. Le
secret bancaire, la non coopération fiscale et judiciaire, les
paradis fiscaux, les faux monnayeurs au sens de Maurice
Allais, la corruption, les mensonges sont autant d'aspect
indifférenciés du Mercure qui conduit ainsi par exemple à la folie
financière qui éclate en septembre 2008.
Par le sacrifice de la volonté de puissance, par un processus
d'endogamie symbolique, le retrait des projections (avec
affranchissement du processus d'indifférenciation du sujet et de
l'objet, rendant perceptible la représentation interne de l'objet
extérieur), par la prise en compte de l'ombre pour soi-même, le
principe masculin, le héros solaire (qui incarne volonté de puissance
et pouvoir) renonce à la toute puissance, à la volonté d'emprise sur
l'autre, perd de sa puissance-mâle sauvage et archaïque (les pulsions
esclavagistes), subit une mort symbolique pour renaître à un état de
conscience supérieur, pour gagner en féminité miséricordieuse,
permettant d'entreprendre un dialogue intuitif avec le monde, ce qui
témoigne de l'individuation de l'anima en l'homme. Le héros subit la
passion, et devient héros lunaire (voir Pierre Solié).
De la même façon, le principe féminin, l'archétype de la Grande
Déesse Mère, perd de sa puissance-femelle sauvage et archaïque (les
pulsions de type cannibalique) pour gagner en masculinité, en principe
actif et énergie créatrice, permettant d'entreprendre un dialogue
rationnel avec le monde, et témoignant de l'individuation de l'animus
en la femme.
Renoncer à la persona, le retrait des projections et l'intégration
de l'ombre se différencier, se libérer des images parentales après
avoir accepté l’héritage familial, découvrir sa véritable nature et se
reconnaître comme un individu centré sur le SOI, reconnaître l’autre et
intégrer la contradiction pour conjoindre les opposés, toutes ces
étapes font partie de ce travail d'individuation et d'évolution de la
conscience qui, dans sa quête mystique, se libère de son côté animal et
instinctif. En paraphrasant Niechzte, par le renoncement à la volonté
de puissance et la transmutation des instincts, le sage, le créateur,
le penseur et l'amoureux sont un. Le sage est libéré de l'espoir (du
désir) et de la crainte (haine) et accepte le réel tel qu'il est. Il
vit dans le présent et est libéré du passé ou du futur. Il est dans la
conscience des ressentis et du mental, désidentifier du mental. Il est
sans désir, il n'espère rien et se réjouit de ce qui est. L'amoureux
est libéré de la frustration et exprime son amour de bienveillance. Le
créateur est libéré de l'ignorance et par son savoir, exprime ses
propres potentialités. Le penseur est libéré de l'impuissance et agit
de façon juste.
La prise en compte de l'ombre pour soi-même (transmutation du Senex)
permet une atténuation du clivage (l'autre n'est plus foncièrement
mauvais), la transformation du héros solaire en héros lunaire, la
solarisation de la Grande Déesse Mère, et la naissance de l'enfant
divin, le Puer (ou la Puella), l'homme nouveau avec sa créativité et un
nouvel état de conscience.
Ainsi s'opère au niveau de la conscience un Hieros Gamos avec son
complémentaire psychologique, symbole de la réunion des opposés, de la
conjonction de l'imaginaire et du symbolique au delà de ces deux
réalités, dans l'imaginal. Ce terme a été forgé par Henry Corbin (Corps
spirituel et terre céleste, Buchet Chastel, 1979) et repris par Pierre
Solié, pour exprimer un au-delà des deux réalités de l'imaginaire et du
symbolique. C'est la contrepartie spirituelle de l'aspect pulsionnel.
Le Sujet n'est plus aliéné par l'Imaginaire ni par le Symbolique, et
découvre un Autre tel qu'en lui-même il est (voir Pierre Solié,
Psychanalyse et Imaginal, Imago, 1980). La désaliénation du Symbolique,
c'est en particulier « la capacité à réfléchir sur les normes afin
d'établir des normes pour les normes » (Ken Wilber). Ce que
l'Europe est bien incapable de faire.
Ce Hieros Gamos traduit la réunification du SOI, un SOI pleinement
différencié, le SOI final, le Mercure double pleinement différencié,
personnifié sous la forme de l'Androgyne dont l'archétype est universel
(voir Mircéa Eliade), qui exprime la totalité de la conscience et
débouche, comme l’explicite Pierre Solié, sur l'amour du prochain
(l'action vertueuse, par transmutation des pulsions esclavagistes) et
l'amour universel (par transmutation des pulsions cannibaliques). Cette
Androgynie symbolique, psychique, apparaît en miroir par rapport à
l'hermaphrodite primitif, biologique, union-confusion du masculin et du
féminin, témoignant d'une régression à l'indistinct, aux structures
primordiales de la psyché, et symbolisé par le Mercure indifférencié,
le Baphomet, représentation du SOI Primaire. Le devenir de la
différenciation de cette syzygie réside dans l’androgynie psychique et
la conjonction des opposés différenciés. La conjonction n’est ni
mélange, ni fusion, ni conflit des opposés.
Ceci est à mettre en parallèle avec les rituels de passage ou les
expériences chamaniques dont M. Eliade a montré qu'elles représentaient
un retour au monde originaire, un processus d'endogamie symbolique (qui
diffère radicalement de l'endogamie et de la régression incestueuse,
fusionnelle à la mère) : la plongée dans l'inconscient collectif et la
confrontation aux images archétypiques engendrent une revivification de
la conscience, une régénération et le développement d'un potentiel
créatif. Cette mort symbolique suivie d'une renaissance témoigne de la
mort des vieilles structures, du vieux roi, pour permettre l'émergence
d'une nouvelle conscience et une réorganisation du dialogue entre
principe du Logos et principe d'Eros. Mais il y a cependant dans cette
entreprise toujours le danger d'être submergé par les pulsions
archaïques, avec ce que cela comporte comme risque de morcellement, de
folie, de psychose.
L'imaginal trans-réflexif résulte de la métamorphose des
organisateurs imaginaires pré-réflexifs à travers le canal de leur
rencontre avec les objets concrets réflexifs de la réalité physique (le
symbolique). Cette mutation aboutit à la réunion des opposés, cette
fois différenciés (SOI secondaire). L'imaginal est le lieu où peut se
produire la rencontre entre l'âme d'une personne et la réalité absolue,
la vacuité. Entre l'Absolu et la réalité sensible. Il est une étincelle
de l’Ame du monde. Chez le mystique, le moi est suffisamment solide
pour intégrer le SOI. Dans la folie, le moi trop fragile est absorbé
par le numineux et ne peut intégrer cette expérience qui se révèle
déstructurante. Le numineux (terme emprunté à la phénoménologie du
sacré) réalise une expérience à la fois fascinante et terrifiante qui
établit une union des contraires en une structure unitaire. Cette
expérience transcendante qui dépasse les antagonismes témoigne de
la non séparation entre le moi et le SOI et du côté ambivalent de
tout archétype. Mais cette union des contraires peut engendrer une
confusion liée à l'association de deux termes contradictoires, de la
même façon qu'une double contrainte peut provoquer un accès délirant.
L'Imaginaire est de l'ordre des images, des phantasmes et des
représentations du sujet qui les projettent en bloc sur le « petit
autre ». Face aux images de type hallucinatoire, est-on capable de
voir ces images comme une partie de l'âme et d'intégrer cette
expérience, de séparer ce qui est de l'ordre de la réalité physique et
de la réalité psychique, ou bien va-t-on se laisser submerger par cette
expérience avec le piège du retour au SOI primaire, c'est-à-dire au
noyau psychotique, au démembrement et à la folie, le processus
organisateur n'étant pas encore différencié. L'individuation passe par
le renoncement au SOI primaire, fusionnel, par le sacrifice des désirs
égotiques du moi, et l'établissement d'une relation entre le moi et le
SOI.
Le but du processus d'individuation est la mise en place, au sein de
la psyché, d'un ordre, symbole d'unité et de totalité, représenté par
le SOI. Ce dernier englobe le conscient et l'inconscient, et constitue
un nouveau centre de gravité de l'être. Le SOI symbolise le retour à
l'unité à travers l'union des contraires, et représente un archétype du
divin en l'homme. On parle alors du SOI final, pleinement différencié.
Le SOI est l'archétype ordonnateur de tous les archétypes, symbole de
totalité au travers de la conjonction des opposés, représentant un
centre qui englobe le moi, ordonnant donc le conscient et
l'inconscient. Il est aussi l'image de la déité, au-delà de l'image
d'un Dieu, dont on ne peut rien dire (on peut faire l'expérience du
numineux, mais on ne peut rien en dire) : l'UN qui n'est pas, le vide
originel, où une chose et son contraire sont aussi vrais, où les
opposés sont à la fois conjoints et différenciés.
Le SOI est une fonction médiatrice entre le Réel et notre réalité
ordinaire. C’est un archétype surordonnateur qui donne sens aux autres
archétypes et assure un libre jeu des archétypes entre eux. Il établit
un pont entre l’inconscient personnel et l’inconscient collectif. Le
SOI est une image de Dieu. Le Numineux, la Déité, le « Dieu
caché » est et restera toujours de l’ordre de l’inconnaissable.
Jung reprend le terme d'Unus mundus pour définir cette conjonction
du psychique et du physique. L'Unus mundus apparaît dans les phénomènes
de synchronicité. La synchronicité est la coïncidence dans le temps de
deux événements ou plus liés par le sens et non par une cause. La
synchronicité est une expérience numineuse qui témoigne de l'unité du
monde physique et psychique, d'un ordre similaire à celle d'un mystique
pour qui les notions passé et futur n'existent plus. Le moi appréhende
les choses telles qu'elles sont en réalité, il participe ainsi à
l'unité du monde et à sa perpétuelle création. La synchronicité traduit
une disparition des relations causales (liées à l’écoulement du temps)
de notre espace-temps et ouvre un bref regard sur l'Unus mundus, sur l'ordre superimplicite. En
collaboration avec le physicien Pauli, Jung a proposé le schéma suivant
:
MATIERE ENERGIE |
||
SYNCHRONICITÉ | CAUSALITÉ | |
ESPACE - TEMPS |
Ce schéma
pourrait être ainsi modifié selon des conceptions plus récentes :
UNUS MUNDUS |
||
SYNCHRONICITÉ | CAUSALITÉ | |
MATIERE - ESPACE - TEMPS |
La réalité du monde dans lequel nous vivons est fondée sur un ordre plus profond (l'Unus mundus) et n'existe qu'en référence à l'Unus mundus. L'Unus mundus est aussi le lieu d'apparition de la Sophia, de la Sagesse de Dieu. L'Unus mundus est un principe d'unité qui sous-tend et organise l'univers dont il permet la différenciation en psyché ou matière. C'est un champ invisible contenant la réalité dans sa totalité. Les deux pôles de la matière et de la psyché ne sont qu’un. Le temps y est étalé sur la totalité, vers le passé comme vers le futur.
L'inconscient collectif porte un savoir absolu. Il est de l'ordre de l'inconnaissable (le Réel de Lacan) de même que le monde reste fondamentalement inobservable et inconnaissable. C’est une réalité intérieure avec laquelle on interagit mais qui ne nous appartient pas. Mais cet inconnaissable, cette incomplétude, nous fonde (voir le théorème de Godel). Selon Dorn (cité par Marie Louise Von Franz dans son ouvrage Alchimie et imagination active), l'état d'union avec l'Unus mundus (stade ultime du processus d'individuation) ne se réalise qu'après la mort. Ainsi, le terme de l'individuation serait dans l'ouverture de la conscience à l'Unus mundus (la reconnaissance de la claire lumière du bardo). Dans son commentaire psychologique du Bardo-Thodol, Jung écrit ainsi que « l'apogée spirituelle est atteint à la fin de la vie ». Les expériences de mort imminente pourraient être également une rencontre avec le Réel.
La conjonction des opposés a donc différentes composantes :
- conjonction du féminin et du masculin (gauche et droite)
- conjonction du senex et du puer (puissance étatique et libération de la créativité)
- conjonction du matériel et du spirituel (focalisation sur le monde extérieur et sur son monde intérieur)
- conjonction du proche et du lointain (le cercle clanique et l'humanité)
La conjonction des opposés pourrait avoir comme devise la devise grecque « Rien de trop » c'est-à-dire la mesure, l'éthique, l'élément coordinateur et régulateur entre les extrêmes.