Le XIIIème voit le développement des universités et des cathédrales se construisent dans toute l'Europe, et donne naissance à de nombreux théologiens : Roger Bacon, Saint Bonaventure, Albert le Grand, Thomas d'Aquin, Duns Scot. La tradition mystique médiévale atteint son apogée avec Maître Eckhart (1260-1328). Certaines thèses de Maître Eckhart sont condamnés par l'Eglise en 1329. Le franciscain Guillaume d'Occam comparait devant le pape en 1324, assigné à résidence surveillée de 1324 à 1328. Il sera condamné en 1339. Guillaume d'Occam (1285-1349) sépare radicalement le temporel du spirituel. Du temporel découle la science. Du spirituel l'expérience mystique dont on ne peut rien dire car elle est au-delà des mots et de la conceptualisation.
Touchant l'Eglise à son sommet alors que la piété populaire est toujours aussi fervente, le Schisme d’Occident marque la transition de l'Imaginaire au Symbolique. La séparation progressive du spirituel et du temporel permet l'émergence la science et la rationalité. Ce processus de séparation prendra plusieurs siècles. La révolution détruit toutes les survivances féodales. Elle amplifie le processus de sécularisation et de déchristianisation, avec séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1794. Cette séparation sera formellement proclamée en 1905.
Une vision du monde en remplace une autre. La Renaissance fait une synthèse de l'héritage gréco-latin et du christianisme, fonde l'humanisme. La chute de Constantinople en 1453 donnera un autre élan à la redécouverte du monde gréco-latin tandis que les guerres d'Italie (1494) accéléreront la diffusion de la Renaissance en France.
La période de transition que constitue la Renaissance italienne s'échelonne entre le début du XIVème siècle avec Pétrarque et Giotto jusqu'à la fin du XVème ou le début du XVIème siècle, période qui marque le début de la Renaissance dans les autres pays européens. L'épanouissement de la renaissance vers 1420 marque l'éclosion d'une époque de recherche, de découverte, et des arts. Les prémices de la Renaissance remontent au milieu du XIVème siècle avec Giotto, Pétrarque. Ce dernier fait une relecture de l'histoire antique et donne une vision séculière du temps. La laïcisation de la pensée permet la libération de l'esprit créatif et le développement de la science.
Avec l'invention de l'imprimerie par Gutenberg entre 1450 et 1455, les idées peuvent se propager.
Vers le milieu du XIVème siècle furent créées les premières horloges à poids, qui pouvaient fonctionner de manière ininterrompue pendant vingt-quatre heures en scandant les heures. Au XVème siècle, les progrès de l'horlogerie permettent une meilleure précision du temps. Le temps des marchands acquière sa légitimité face au temps de l'Eglise. La société laïque trouve sa légitimité face au clergé. Dans le même temps, en 1345, le pape Clément VI convoque divers spécialistes pour entreprendre la première tentative de réforme du calendrier julien (la réforme grégorienne n'interviendra qu'en 1582).
Au Moyen Age, la religion occupe le devant de la scène. L’univers est la création de Dieu, la terre est au centre de l’univers (géocentrisme), l’homme au centre de la création. Le monde est fini, ordonné, structuré sur une hiérarchie de valeur et de perfection, clos par les sphères célestes.
Une nouvelle vision se développe. Pour Nicolas de Cues (1401-1464), le monde n'est pas fini, Dieu définit l'infini, ce qui échappe radicalement à l'esprit humain. En lui, les opposés sont conjoints.
Copernic (1473-1543) détrône la terre du centre de l'univers avec son modèle héliocentrique. Giordano Bruno (1548-1600) défend le caractère infini de l'univers. Ce qui relevait jusqu'alors de la puissance divine caractérise à présent la nature. L'Eglise s'oppose à cette nouvelle vision du monde. Plus tard, en 1616, l'Eglise interdit l'enseignement de l'héliocentrisme. Galilée, l'un des fondateurs de la science moderne, développe l’expérimentation et invente le télescope. En 1633, il doit se rétracter devant l'Inquisition. La science et la nouvelle cosmologie triomphent enfin avec Newton lorsqu'il publie en 1687 ses Principia Mathematica. La place de Dieu fait encore l'objet d'une controverse, et, fait nouveau, non plus entre l'Eglise et la science, mais entre deux grands savants, Newton (1642 - 1727) et Leibniz (1646 - 1716). Au cours du XVIIème siècle, la nature se désacralise et la raison triomphe. Descartes (1596-1650) prône le raisonnement logique qui conduit à la connaissance des lois de la nature. Et c'est ainsi que Laplace (1749 - 1827) peut tout naturellement se passer de l'hypothèse de Dieu.
L’enfant n’est que le réceptacle de l'imaginaire des parents jusqu'au XIIIème siècle. Face à l'attitude toute puissante des parents, l'enfant n'est qu'un objet victime habituelle d'abandon ou d'infanticide. A partir du XIVème siècle se développent des manuels d'éducation des enfants pour un apprentissage de la conformité à la loi sociale. Le rôle du père apparaît.
En peinture, le portrait se développe à la fin du XVème siècle. L'être humain devient le sujet principal de l'art. La Réforme (1520) sape l'autorité de l'Eglise, valorise l'idée de l'individu et son implication dans le monde. La science politique se développe pour promouvoir les libertés publiques et les instances juridiques. En 1609, Grotius (1583-1645) défend le droit international et la liberté des mers.
La Renaissance valorise l’expérimentation, la méthode, la rationalité, la recherche scientifique, l’individualisme (parallèlement à la différenciation des peuples et la naissance des nations européennes) tout comme la Grèce avait développé la logique ou la connaissance scientifique, et stimulé la liberté de l’individu en quête de perfection. L’individu n’est plus considéré comme le jouet de puissances surnaturelles. La volonté de compréhension du monde permet l’évolution de l’esprit humain et de la science, l’émergence d’une religion plus individuelle. Les universités se développent. Les structures germaniques se relâchent. Les liens familiaux se distendent et favorisent les familles nucléaires. A la fin du Moyen Age, l’individu est davantage valorisé et acquiert plus de responsabilité. Les Etats-nations et le sentiment d’identité nationale se développent parallèlement. Un dialogue s’établit entre le peuple et le pouvoir. Aux XIVème et XVème siècles apparaissent les Assemblées représentatives qui tentent de mettre un frein à l’arbitraire des monarques.
En réaction contre la montée de l'absolutisme, l'Habeas Corpus en 1679 garantit les libertés individuelles. La Déclaration des droits en 1689 place le pouvoir des lois au-dessus du pouvoir du roi. Les Deux traités sur le gouvernement civil sont publiés en 1690 par John Locke (souveraineté du peuple, équilibre des pouvoirs). Principes théoriques qui ont à s'actualiser pour l'ensemble des peuples. Le libéralisme économique apparaît à la fin du XVIIème siècle avec William Petty (1623-1687) et Pierre le Pesant de Boisguillebert (1646-1714). Ils ouvrent la voie aux physiocrates du XVIIIème siècle et à Adam Smith.
L’apparition des premières universités au début du XIIIème siècle, les conséquences des croisades et le relâchement des structures féodales vers la fin du XIIIème siècle permettent la libération de l’individu, le développement de la bourgeoisie, favorisent l’émancipation de la société laïque. Les conséquences de la peste noire (1348) et la crise de l'Eglise favorisent la montée des classes populaires, l'esprit d'initiative et d'innovation. Les premières révoltes populaires (1377-1383) s’étendent à l’Europe entière (Florence, Gand, Londres, Paris). Pour la première fois, toute l’Europe vit au même rythme. C'est la première unité révolutionnaire de l'Europe. Les conflits se propagent à l’échelle européenne. Commençant par une guerre féodale pour s’achever dans une lutte de nations à nations, la guerre de Cent ans (1337-1453) est le premier conflit européen. Les royaumes se constituent avec leurs administrations et leurs armées.
L’Europe passe d’une unité culturelle, linguistique et religieuse à une diversité d’États-nations. L’Europe chrétienne se désintégrera au cours du XIIIème siècle, l’Eglise s’étant compromise par ses intrusions dans le domaine politique et par son combat contre les hérétiques. L’idée d’une République Chrétienne est remplacée par celle d’un ensemble d’Etats souverains. L’unité linguistique laissera place au XVIème siècle à une pluralité linguistique. L’idée d’un Saint empire disparaît au profit de la différenciation et de la séparation des opposés, avec une stabilité de la répartition des quatre types familiaux exogames vers 1500. Les différentes idéologies religieuses et politiques se développent et s’affrontent.
Du fait de la fragilité de l'Eglise à l'issu du grand schisme, de nouvelles hérésies apparaissent (John Wyclif, Jean Hus). La Réforme marque la fin de l'unité de l'Europe catholique. Les guerres de religions s'achèvent avec le traité de Westphalie en 1648. Les guerres ultérieures auront des motifs politiques visant à s'assurer une position hégémonique, et déboucheront sur des systèmes d'alliance, aboutissant à un équilibre entre les différentes puissances dont aucune ne peut prendre une position dominante et hégémonique. Le traité de Westphalie en 1648 signe la fin des guerres de religions, (les guerres ultérieures auront des buts politiques) l'échec des Habsbourg, la naissance de l'Europe politique moderne des Etats nations et le début du système international. L’empire ottoman recule après l’échec du siège de Vienne en 1683, puis le traité de Karlowitz en 1699.
L'exploration atlantique se développe au XIVème siècle. La cartographie moderne apparaît à la fin du XVème siècle. La première circumnavigation du globe s'achève en 1521. Le commerce transatlantique s'intensifie au début du XVIème siècle tandis que se développe le système bancaire. L’Europe inaugure la mondialisation de la prédation. En 1494, le traité de Tordesillas entérine le premier partage du monde.
Ainsi, les XIVème, XVème, XVIème et XVIIème siècles marquent une période de transition vers la modernité. La puissance de l'Etat s'affirme contre celle de l'Eglise. Machiavel (1469-1527), Thomas More (1478-1535), Bodin (1530-1596) fondent au XVIème siècle la science politique moderne. Le politique se sépare de la théologie pour devenir une science et une technique.
La fin du XVIIème siècle marque la confrontation entre principe de liberté et d’autorité, l’aube des révolutions, du nationalisme, de la recherche fondamentale et appliquée, de la révolution industrielle, du libéralisme.
Le XVIIIème siècle développe les idées de liberté, d'égalité et de progrès. La démocratie s'épanouit au début du XVIIIème siècle en Angleterre. Montesquieu en 1748 (l'esprit des lois) puis la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen en 1789 dessinent l'idéal d'une société démocratique. Le bouillonnement scientifique permet l'essor de la technique et du progrès au XVIIIème siècle (première machine à vapeur en 1690 par Denis Papin, que Watt rend utilisable en 1769, puis le début de la révolution industrielle en 1780). L'homme devient l'ingénieur du monde. Parallèlement, les théories économiques accompagnent cette mutation politique. La théorisation de Smith en 1776, puis celle de Ricardo en 1817 s'actualisent avec le triomphe du libre-échange entre 1850 et 1880 en Europe. Le Manifeste du parti communiste est publié en 1848. Deux visions matérialistes de l'économie s'opposent. En 1859, Darwin contribue à la désacralisation de l'histoire de l'humanité. La fin du XIXème siècle marque l'apogée du scientisme et du positivisme. Le XIXème siècle sera le siècle de la modernisation et de l'industrialisation.
La fin du XIXème siècle est marqué par l’apogée du scientisme et du positivisme, le mythe du progrès et de la technique, le colonialisme, l’expression brutale de la prédation et de la volonté de toute puissance. L’Europe est à l’apogée de sa puissance au début du XXème siècle. L’exacerbation des nationalismes conduit à la première guerre mondiale, la volonté impérialiste à la seconde guerre mondiale au terme de laquelle les États-Unis et l’URSS prennent le relais de la prédation à l’échelle mondiale. Après avoir pris la place de la religion, la science est devenue une nouvelle religion. Le scientisme et le matérialisme sont poussés à leur extrême avec le transhumanisme (l'hypothétique fusion de l'homme avec l'intelligence artificielle du fait de l'essor de la nanotechnologie et de la biotechnologie, un projet qui usurpe la notion d'humanisme et cache en réalité « une gigantesque toile d'intérêts économiques »).
Le matérialisme exclut la question du sens et tente de développer une vision mécaniste et déterministe qui peut rendre compte de l’ensemble des phénomène dans l’univers. L’univers s’est organisé au terme d’un processus aléatoire, l’homme est apparu par hasard, selon un processus de sélection naturelle, sur une planète à la périphérie du système solaire, et sa conscience pourra être étudiée au travers de la connaissance des processus neuronaux. La question du sens est balayée, tout comme le sont les croyances religieuses. Dans cette vision du matérialisme, rien n’échappe à la science physique, rien n’existe que la matière, la pensée elle même est matérielle (Changeux). L'être humain est vu comme séparé de la nature et de son environnement, il est devenu maître de la nature, il peut la dominer et l'exploiter.
La science et la technique trouvent leurs limites : stagnation, voire même légère diminution de l'espérance de vie, augmentation des maladies de civilisation, réalité du danger nucléaire après l'explosion de deux centrales (Russie, Japon), pollution de la terre, de l'eau, de l'air et de l'alimentation. La société de consommation et de gaspillage, de type occidental, axée sur le court terme, qui menace l'équilibre de la planète. Le mythe du progrès scientifique et de la domination de la nature par la technique s'effondre.
La fin du XXème siècle est marquée par une crise de la démocratie, une désidéalisation vis-à-vis de la classe politique depuis les années 1990 avec rejet du politique, la chute des idéologies avec tout d’abord l’échec du communisme puis l'ultra-libéralisme lui-même très fortement remis en question.
A l’échelle mondiale, on assiste depuis 1997 à une crise financière mondiale, une mobilisation planétaire de citoyens (contre l’AMI, le projet Terminator, l’OMC...), des faillites frauduleuses géantes (Enron en 2001, WorldCom en 2002...) concomitantes d’un krach boursier d’une ampleur similaire à celui de 1929, tant au niveau de la bulle spéculative qu’au niveau de l’effondrement des valeurs boursières. Les États sont fragilisés par une dette publique gigantesque (véritable poids pour les générations à venir), menacés par la déflation comme au Japon, tandis que les ménages s’enfoncent dans l’endettement. L’économiste Kurt Richebacher dénonce l’insouciance de l'économie américaine à amonceler les dettes. Le capitalisme financier, ou boursier, est en pleine crise, rongé par la corruption. Les marchés financiers ont fait la preuve de leur incapacité à s’autoréguler. Chute du communisme d’un côté, et de l’autre côté, échec de la globalisation libérale qui par ailleurs contribue à une dégradation des économies de beaucoup de pays en développement (Stiglitz).
Autre signe du déclin de cette seconde mutation, le retour du religieux avec l’apparition de mouvements intégristes depuis le début des années 1970. Scientisme et dogmatisme religieux témoignent du conflit des opposés. Mais parallèlement, on redécouvre la mystique et la spiritualité, en particulier avec la diffusion des philosophies orientales, ouvrant sur un dialogue avec la physique quantique et témoignant d’une ouverture vers la conjonction des opposés.
On peut considérer que la phase de transition entre la seconde et la
troisième mutation a commencé au début du XXème siècle avec la physique
quantique, pour trouver son apogée avec la guerre entre la Russie et
l'OTAN en Ukraine, et le développement des BRICS.