L'exogamie, la recherche du conjoint à l’extérieur du clan, correspond à un processus d’ouverture, alors que l'endogamie (la recherche du conjoint à l’intérieur du clan) correspond à un processus de repli. En Europe, la tendance exogamique résulte principalement de la politique de l’Eglise, depuis Saint Augustin jusqu'à Saint Thomas d'Aquin. A partir de la fin du VIIIème siècle, l’Eglise va insister sur la prohibition de l’endogamie parentale (l’interdit de mariage entre consanguins) avec un point culminant vers le XIIème siècle. Elle prône un mariage exogame et monogame, librement décidé par les époux. Le taux de mariage endogame en Europe est inférieur à 1%. A titre de comparaison, en Chine, même si le système est à prédominance exogame (famille communautaire exogame), il y a une certaine tolérance à l'endogamie, le taux de mariage endogame pouvant atteindre 8 %. Au Japon, ce taux est de 7 %. L'endogamie est présente en Inde, en Asie du Sud Est. Ce taux est de 22 % en Turquie, et monte à 50 % au Pakistan ou au Soudan.
Il faut également noter que selon Pierre Legendre,
contrairement à l'Islam, le Christianisme se distingue par un faible
nombre de normes, ce qui a facilité l'invention et la construction de
l'Etat.
Depuis la Grèce antique où l'on retrouve une endogamie importante,
on peut ainsi observer un processus exogamique bien spécifique
à l'Europe avec sa constance à sortir de sa « clôture
ethnocentrique » comme l'indique Kolakowski. Ce processus
exogamique révèle l’Europe comme une « Europe culturelle
polycentrique » (E. Morin).
En se référant aux travaux d'Emmanuel Todd, ces différentes familles peuvent être classées en fonction des notions de liberté (si l'individu quitte sa famille pour fonder un foyer autonome, une famille nucléaire) ou d'autorité (famille communautaire avec une cohabitation de plusieurs générations), et d'égalité ou d'inégalité selon le mode de partage des biens parentaux lors de l'héritage :
Nucléaire
égalitaire
Souche
Les facteurs démographiques ont joué un rôle important dans la
stabilisation de la répartition de ces types familiaux. Au cours du
XIVème et jusqu’au milieu du XVème siècle, du fait de la peste noire
et des guerres, l’Europe perd plus du quart de sa population (dans la
période 1000-1300, à l’abri des invasions, elle avait connu au
contraire une croissance démographique importante qui avait permis la
maîtrise de l’occupation du sol). Un facteur sociologique consolide
cette répartition : même si au XIIIème siècle, l’amour courtois a
permis une certaine émancipation de la femme, et malgré l’apparition du
mariage amoureux dans la littérature au milieu du XVIIIème siècle, le
mariage arrangé reste longtemps prédominant pour ne s’effacer
progressivement qu’à partir de la moitié du XXème siècle. Les
conditions modernes de vie au XXème siècle ont partiellement défait
ces bases anthropologiques qui restent cependant inscrites
génétiquement dans l’histoire de l’Europe et en font sa spécificité.
Les fonctions de solidarité assurées par les liens communautaires et
familiaux sont transférées au niveau de l’Etat (avec par exemple la
naissance de la Sécurité Sociale). L’émergence de l’individualisme
après la seconde guerre mondiale accompagne la réalité sociale du
mariage amoureux et l’évolution vers l’égalité entre les sexes, mais
provoque aussi l’éclatement de la famille avec les cellules
monoparentales et les nouvelles familles recomposées. Si la famille
nucléaire est prédominante, la famille communautaire exogame persiste
dans certaines régions, comme dans l’Italie centrale. Quant à la
famille souche, en Allemagne, elle a tendance à disparaître au profit
d’une « société sans pères ». Ailleurs, en Catalogne
particulièrement, elle reste un modèle.
Avec son livre « L'origine des systèmes familiaux » (tome 1), Emmanuel Todd complète cette description avec la famille nucléaire à corésidence temporaire, la famille nucléaire intégrée, la famille souche à corésidence temporaire additionnelle :
Emmanuel Todd décrit une séquence dans la différenciation des systèmes familiaux en Europe : famille nucléaire à corésidence temporaire avec son indifférenciation puis famille souche et famille communautaire, puis émergence des systèmes nucléaires purs, jusqu'à une stabilisation, entre le XIème et XVème siècle, de la répartition des quatre principaux systèmes familiaux exogames : la famille souche, la famille communautaire exogame, la famille nucléaire égalitaire et la famille nucléaire absolue.
: